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L’expert judiciaire confronté aux scellés

L’expert judiciaire est souvent confronté à expertiser des objets ou documents placés sous scellés. Cet article fait le point sur les différentes procédures, l’apposition, l’ouverture et le bris des scellés en insistant sur le champ très limité de l’expert missionné.

La revue Experts n° 61 – 12/2003 © Revue Experts

 

L’expert judiciaire est souvent confronté aux scellés au cours de sa mission d’expertise. S’il a le pouvoir, uniquement dans ce cadre, d’ouvrir et de refermer des scellés pour les besoins de sa mission, il ne peut en aucun cas décider d’une apposition de scellés. Ses pouvoirs afférents sont très limités. Ils commencent à l’acceptation de cette mission et se terminent avec le dépôt du rapport. Considéré à juste titre comme l’auxiliaire du magistrat, l’expert judiciaire n’en est pas pour autant officier ministériel comme l’huissier de justice ; son champ d’action s’en trouve restreint.

Souvent le magistrat qui rédige la mission de l’expert précise, lorsqu’il existe des scellés dans l’affaire, que l’expert judiciaire est autorisé à les ouvrir et doit ensuite les refermer, ses investigations terminées.

Inventaire du contenu d’une caisse de scellés remplie de moules par l’expert judiciaire. Procédure pénale – Cour d’appel de Besançon

 

 

Les procédures

(Toutes les procédures peuvent requérir l’utilisation de scellés).

  • Commerciales, spécialement en cas de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire.
  • Pénales, en cas de saisie de pièces à conviction, de contrefaçons…
  • Administratives, douanes, fisc, …
  • Civiles, en cas de divorce, décès, litiges…

La pose d’un scellé doit faire l’objet d’une demande préalable auprès de l’autorité compétente et ne peut être effectuée qu’après son accord écrit.

L’officier de police judiciaire, le greffier en chef du tribunal ou l’huissier de justice ne peuvent apposer de scellés que dans des cas bien définis par la loi.

Ces cas sont extrêmement nombreux.

Dans le cadre d’une procédure civile, hormis pour les scellés apposés par un greffier en chef, l’huissier de justice ne peut décider de son propre chef de la mise en place de scellés : il agit à la suite d’une ordonnance spécifique rendue par un tribunal ou dans le prolongement d’un jugement revêtu de la clause exécutoire.

L’huissier de justice est garant de la régularité de ses actes et n’agira donc pas sans vérifier le bien-fondé procédural du demandeur. En matière commerciale, civile et administrative, ses conseils sont toujours très précieux.

L’huissier de justice peut pénétrer par tous les moyens dans des locaux fermés pour apposer des scellés à l’intérieur. Il peut de son propre chef, si besoin est, recourir à un serrurier, voire à la force publique.

Afin d’éviter certaines maladresses – personne alitée ne pouvant ouvrir la porte, personnes malentendantes – une porte d’accès à une habitation ne peut pas être scellée de l’extérieur sans que l’officier ministériel ait pris la peine de faire ouvrir la porte et de visiter les lieux auparavant.

Lampe au hibou d’après Diego Giacometti, bronze, contrefaçon placée sous scellés par un OPJ dans une procédure pénale diligentée par le tribunal de grande instance de Lure.

 

En matière pénale, les scellés sont apposés par des officiers de police judiciaire relevant soit de la gendarmerie nationale, soit de la police nationale sous le contrôle du magistrat : juge d’instruction ou procureur de la République selon la procédure (commission rogatoire, flagrant délit, etc.).

Comme dans les autres procédures, ces scellés peuvent être ouverts et refermés par l’expert dans le cadre de sa mission.

Dans le domaine fiscal, les fonctionnaires des douanes sont habilités à placer sous scellés tous objets sujets à contravention. L’expert qui est appelé dans ce cadre par le Service des douanes pour donner un avis sur l’authenticité d’une œuvre d’art, par exemple, ne peut pas briser un scellé de son propre chef. Si ses investigations rendent nécessaire le bris du scellé, il doit demander à l’agent des douanes qui le requiert d’effectuer le bris du scellé.

Il agit en sachant, n’ayant aucune autorité administrative.

Idem dans les rares cas où l’administration fiscale, la DNEF, – Direction nationale des enquêtes fiscales, relevant de la Direction générale des impôts) appose des scellés sur des documents, livres de comptes, carton renfermant des classeurs, etc. Les documents liassés qui doivent être consultés sont scellés de façon à ne pas gêner leur consultation (scellés ouverts).

Chaque œuvre est reliée à l’étiquette du scellé, dans le cas présent à une ficelle.

 

Prévu par l’article L 16 B du Livre des procédures fiscales, en cas de difficultés en cours de perquisition, l’administration fiscale peut procéder à des scellés. Mais elle requiert auparavant une ordonnance délivrée par le juge des libertés et détentions et la présence d’un OPJ qui représente le magistrat.

Le cachet apposé sur la cire est celui de la DGI – DNED. L’ouverture des scellés fermés est réalisée en présence du propriétaire, d’un membre de l’administration fiscale et de l’OPJ dans un local administratif.

Après inventaire et expertise, les documents sont restitués dans un délai de six mois, sauf en cas de poursuites pénales.

Examen des scellés par l’expert judiciaire.
Procédure pénale diligentée par le parquet
de la cour d’appel de Besançon.

 

L’APPOSITION MATÉRIELLE
DES SCELLÉS

Elle consiste en la pose de ficelle, de bandes nouées à une extrémité et fixées après le nœud par un cachet de cire revêtu d’un sceau officiel pour empêcher la perte ou le détournement des meubles ou des papiers contenus dans un lieu.

Lionne marchant, d’après Bugatti, bronze brut de fonte. Contrefaçon en cours de réalisation placée sous scellés. Procédure pénale du tribunal de grande instance de Lure.

 

La matière des ficelles et bandes n’est pas réglementée. Certains scellés apposés sur des enveloppes ou feuilles de papier ne nécessitent pas de liens.

L’usage de la cire dure en bâtonnet, dite cire à sceller, est recommandé mais pas obligatoire. Elle se ramollit en tournant rapidement le bâton sur une flamme en évitant de laisser brûler la cire (et de se brûler les doigts : note de l’auteur !) sur laquelle on imprime un cachet préalablement humecté. Ce dernier détail pratique ne doit pas être oublié, sinon la cire adhère au métal et s’arrache au retrait du cachet.

Remise en place d’un scellé
par l’expert judiciaire Gilles Perrault,
aidé par l’OPJ le capitaine J.-C. Marten Perolin.

Les bandes fixées sur un meuble, une porte, une fenêtre pour en interdire l’ouverture, «scellés fermés», ou une ficelle traversant par un trou une liasse de documents ou la charnière d’un livre, afin que le scellé n’en gêne pas la lecture, «scellé ouvert», ne peuvent constituer des scellés et garantir de leur inviolabilité – voir les dispositions des articles 249 et suivants du Code pénal – que si elles sont fixées à l’aide d’un cachet en cire marqué d’un sceau officiel, emblème de la puissance publique.

Les scellés peuvent être apposés par un assistant à condition que le greffier en chef, l’huissier de justice ou l’officier de police judiciaire préside à l’opération.

Les emplacements et les objets sur lesquels sont placés les scellés sont laissés à l’appréciation de l’officier ministériel, en fonction des possibilités de perte ou de détournement que l’apposition des scellés a pour but d’éviter.

La pose d’un ou de plusieurs scellés est laissée à l’avis du praticien. Celui-ci apprécie la nécessité d’apposer, en plus du scellé condamnant la porte d’accès à un appartement, à l’extérieur, des scellés sur les fenêtres selon leur accessibilité, et à l’intérieur, sur des meubles dont le contenu revêt un caractère important ou précieux pour l’instance en cours.

La rédaction du procès-verbal doit faire figurer les mentions suivantes :

  • Description de l’objet scellé ou titre,
  • Motif de l’apposition,
  • Autorité requérante, titre et adresse,
  • Procédure,
  • Date,
  • Lieu,
  • Autorité exécutant le scellé,
  • Titre et adresse,
  • Numéro de scellé,
  • Numéro de procès-verbal.

Lorsqu’un gardien est désigné d’office, il peut être rémunéré selon le décret n° 50-613 du 30 mai 1950, qui précise qu’une indemnité journalière est égale à celle fixée pour les frais de garde des objets saisis par le tarif en vigueur des huissiers de justice.

Contenu de deux containers mis sous scellés. On remarque que chaque œuvre complète et même quelques fragments possèdent leur scellé individuel «Affaire Giacometti».
Procédure pénale – Cour d’appel de Besançon.

 

Le gardien d’un scellé encourt, en cas de négligence, une condamnation à des dommages et intérêts envers la partie lésée. Il peut également être relevé de ses fonctions et remplacé à la demande de l’autorité requérante.

En cas de voyage, décès ou autre raison majeure, le gardien du scellé peut se démettre de sa fonction et demander à l’autorité compétente la nomination d’un nouveau gardien.

BRIS DES SCELLÉS

Les scellés peuvent être détériorés soit de façon naturelle, soit de façon accidentelle, soit de façon volontaire.

Le greffier en chef, l’officier ministériel, l’OPJ ou l’expert judiciaire constate le fait en établissant un procès-verbal qu’il transmet à l’autorité demanderesse en indiquant les causes.

Si le bris est naturel ou purement accidentel, il reconstituera aussitôt le scellé, si au contraire le bris est volontaire et pénalement répréhensible, il attendra l’ordre de reconstitution de l’autorité requérante.

Destruction de scellés en bronze à la suite de plusieurs arrêts de la cour d’appel de Besançon dans différentes affaires de contrefaçons de bronzes d’art :
Écrasement à la pelleteuse avec les caisses (ci-dessus),
Compression des œuvres en bronze (ci-dessous).

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MANQUEMENT

En cas de manquement à l’égard du fonctionnaire ou de l’huissier de justice qui appose les scellés, ce dernier peut dresser un procès-verbal des faits incriminés qu’il transmet au procureur de la République aux fins de poursuites éventuelles.

LEVÉE DES SCELLÉS

La période pendant laquelle les biens sont scellés est laissée à l’appréciation du requérant. Le propriétaire de l’objet scellé peut toutefois réclamer la levée du scellé au tribunal qui jugera de son opportunité.

Dans le cas d’un désaccord entre plusieurs propriétaires, lors d’un héritage, par exemple, le scellé ne pourra pas être levé à la demande d’un seul sans qu’il obtienne satisfaction par décision de justice rendue : soit par le juge du tribunal d’instance statuant en référé du lieu où les scellés ont été apposés, soit par le juge du fond, en cas de contestations sérieuses.

Selon les nécessités, il appartient au requérant de convoquer directement ou par le biais de l’huissier de justice, les parties devant assister à la levée des scellés, soit dans le premier cas par lettre recommandée, soit par acte d’huissier de justice (sommation).

La levée peut se faire sur inventaire ou sans inventaire, avec ou sans la présence des parties en cause (requérante et propriétaire). Elle est qualifiée de pure et simple lorsque l’opération consiste uniquement à faire disparaître les scellés, sans que les objets soient répertoriés.

LEVÉE PROVISOIRE

Une levée provisoire des scellés peut être nécessaire dans de nombreux cas, comme lors d’un dégât des eaux, d’une expertise, ou d’un constat.

Elle est réalisée par l’huissier de justice ou toute autre autorité compétente. Un expert missionné par ordonnance du TGI de la cour ou sur requête du procureur de la République peut ouvrir et reconstituer un scellé.

La reconstitution du scellé doit être réalisée comme une constitution avec, si nécessaire, de nouvelles bandes ou ficelle et sur la cire à cacheter le cachet de l’expert. L’étiquette du scellé d’origine sera jointe à celle de l’expert pour retirer toute ambiguïté et faciliter la transparence du travail de l’expert judiciaire.

Les scellés doivent être réapposés dès que l’opération qui a rendu leur ouverture provisoire nécessaire est terminée.

Un scellé ouvert ne doit pas être laissé sans surveillance, il en va de la responsabilité de l’officier ministériel ou de l’expert judiciaire qui l’a ouvert. La détérioration ou la perte d’un scellé peut avoir des conséquences extrêmement importantes pour le responsable, d’où la nécessité absolue pour les experts judiciaires d’être assurés en responsabilité professionnelle.

LA LEVÉE DÉFINITIVE DU SCELLÉ

Lorsque l’objet placé sous scellé n’a plus lieu d’y être, l’officier ministériel ou le greffier en chef procède à un procès-verbal de levée des scellés. L’expert judiciaire peut, à la demande des parties ou du greffier en chef, l’assister dans cette tâche. L’expert judiciaire ne peut procéder de sa propre autorité, au pénal comme au civil, à la levée d’un scellé.

Doivent figurer sur le procès-verbal les mentions suivantes :

  • Date et lieu de la levée,
  • Objet de la demande de la levée (décision de justice, accord entre les parties, etc.),
  • Nom et adresse des requérants,
  • Nom et adresse des parties en cause,
  • L’état des scellés,
  • Numéro du scellé,
  • Numéro du procès-verbal.

 

CONTESTATION
LORS DE L’APPOSITION
OU DE LA LEVÉE DES SCELLÉS

Si des désaccords surviennent entre les parties sur l’apposition ou la levée des scellés, il appartient de saisir le juge des référés par simple requête.

CONCLUSION

L’expert auxiliaire occasionnel de la justice, dans le cadre de sa mission, doit connaître le cadre juridique des scellés qu’il est amené à manipuler. Lors d’une expertise, son autonomie se limite à l’ouverture et à la reconstitution d’un scellé en avertissant le magistrat qui l’a nommé, ou celui du contrôle des expertises, de ses intentions.

        

 

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