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La contrefaçon

Depuis ces cinq dernières années, à la faveur de la mondialisation, la contrefaçon s’est amplifiée, s’est organisée différemment et a acquis une importance non négligeable dans le commerce mondial. Les auteurs tentent de faire le point sur cette pratique frauduleuse, en évoquant dans une 1re partie les inquiétudes gouvernementales, l’ampleur du phénomène et les préjudices subis. À cet article s’ajoutent les réflexions d’un homme de terrain sur cette activité qu’il tente d’endiguer.

Article de la Revue Experts n° 63 06/2004 © Revue Experts

 

Cette pratique frauduleuse existe depuis la nuit des temps, le musée de la contrefaçon à Paris expose même des amphores romaines ! À cette époque, l’usurpation de marque était réprimée par la loi de Falsis. Avec l’édit de Charles Quint du 16 mai 1544, la peine pour les contrefacteurs était l’amputation du poignet au même titre que les faux-monnayeurs auxquels ils étaient assimilés.

Avec la loi du 23 juin 1857, la contrefaçon cesse d’être considérée comme un crime pour être réprimée comme un délit. Mais, actuellement, l’ampleur du phénomène et les conséquences parfois tragiques de cette pratique pourraient conduire à reconsidérer le droit.

Pour le dictionnaire Petit Robert (1986), contrefaire c’est “reproduire par imitation quelqu’un ou quelque chose” et la contrefaçon c’est “l’action de contrefaire une œuvre littéraire, artistique, industrielle au préjudice de son auteur, de son inventeur”.

Dans leur rapport, l’Union des fabricants propose une définition qui rend compte de la complexité de cette activité :

“L’acte de contrefaçon peut donc concerner :

Le brevet, si l’innovation technique est protégée dans le pays.
La marque : copie ou imitation, sans autorisation, d’un signe servant à distinguer un produit ou un service déposé à l’Institut national de la propriété industrielle.
Les dessins et modèles : reproduction des caractéristiques
d’apparence extérieure et typographiques.
Les obtentions végétales : reproductions, utilisation d’une nouvelle variété de plante créée ou découverte.
Le droit d’auteur : reproduction d’une œuvre originale, importation ou vente sans autorisation. Le droit d’auteur est lié à l’acte de création.
L’apposition frauduleuse de la marque : apposition de la marque sur un produit qui n’est pas fabriqué pour le compte de la société titulaire du droit sur la marque ; on peut aussi la qualifier d’usurpation de marque1.”

Cet article propose donc un petit tour d’horizon qui soulève des questions non résolues. C’est une synthèse d’informations émanant essentiellement d’articles de presse et d’études réalisées par l’Union des fabricants et par Progexpi2.

La contrefaçon est un danger réel pour l’économie et pour le consommateur, elle nous concerne tous et les experts peuvent y être confrontés dans le cadre de leur mission. Ce phénomène s’étendant à de nombreux secteurs d’activité, nous invitons les lecteurs qui le souhaiteraient à s’exprimer dans nos colonnes.

 

1. LES INQUIÉTUDES GOUVERNEMENTALES

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l’Industrie, a affirmé, en novembre 2002, lors de la présentation de son plan en faveur de la propriété industrielle :

“La contrefaçon est devenue l’un des soutiens majeurs de la grande criminalité et l’une des menaces les plus notables pour les consommateurs en termes de sécurité3.”

1.1. La campagne gouvernementale

En janvier dernier, le gouvernement a mené une campagne de sensibilisation intitulée : “Contrefaçon Danger”.

En collaboration avec le Comité national anti-contrefaçon (CNAC), les entreprises partenaires de l’Union des fabricants et l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), le ministère de l’Industrie a fait placarder dans les mairies, les gendarmeries, les douanes et les panneaux publicitaires des villes de Marseille, Nice, Bordeaux, Lille et Paris une affiche au message alarmiste qui n’implique plus seulement la complicité du consommateur mais souligne le danger qu’il court.

Les affiches précédentes disaient :

“Pour 50 F seulement devenez receleur”
“Un animal d’importation non déclaré peut vous coûter cher.”

Celle de cette année affirme :

– “Le crime organisé compte sur vous. Vous êtes client ?”

Le dépliant à destination du public est de même facture :

“Le saviez-vous ?
La France est un marché très juteux pour la contrefaçon
Le phénomène touche tous les secteurs
Ce fléau peut vous coûter la vie
La contrefaçon profite surtout aux trafiquants.”

Comment peut-on expliquer une telle prise de position ?

1.2. La conférence sur la contrefaçon de Manille

Cette inquiétude fait écho à la conférence sur la contrefaçon de Manille4, en novembre 2003, au cours de laquelle Rainer Osterwalder, porte-parole de l’organisme de brevets de l’Union européenne, a affirmé :

“Le problème est grave. Il crée une économie parallèle qui étouffe la créativité et dont les investissements et les échanges évincent les structures existantes5.”

1.3. Le Forum économique mondial de Davos

Ces craintes étaient déjà présentes au Forum économique mondial de Davos du 23 au 28 janvier 2003 au cours duquel il a été dit que : “La contrefaçon était, depuis quelques années, aux mains d’organisations criminelles, voire terroristes6. Il a été également souligné la nécessité d’établir l’ampleur du financement des activités terroristes ou du crime organisé et de renforcer les sanctions pénales dans certains pays dans lesquels la contrefaçon est impunie7.”

Il paraît évident à la lecture de ces dénonciations que les moyens de production et de diffusion de la contrefaçon ont profondément changé en quelques années.

 

2. L’AMPLEUR DU PHÉNOMÈNE

2.1. Le constat est alarmant

La contrefaçon représente 5 à 9 % du commerce mondial8. Un communiqué de presse de l’organisation mondiale des douanes du 27 janvier 2003 évalue le commerce illicite à 450 milliards d’euros9. D’après l’étude de Marc-Antoine Jamet, président de l’Union des fabricants, la contrefaçon provoque un véritable déséquilibre du commerce mondial impliquant perte d’emplois et perte de recettes fiscales : “100 000 emplois sont perdus chaque année par la Communauté européenne… En Chine, les services officiels de l’État estiment perdre 3 milliards de dollars de recettes fiscales par an. De même, les services britanniques de la TVA évaluent l’évasion fiscale à 2,4 milliards de dollars10.”

À l’échelle européenne, cette activité illicite a quadruplé en trois ans :

“En 1999, 25 millions de produits sont saisis par les services douaniers,
en 2000, 70 millions
en 2001 près de 100 millions11.”

C’est qu’il existe de très nombreux pays exportateurs de contrefaçons. Celles destinées à l’Union européenne proviennent essentiellement de Thaïlande, de Chine, de Turquie et de Hong Kong12.

Des produits contrefaits sont saisis également en provenance de Djibouti, du Maroc ou de la Tunisie13 à destination de la France, cible privilégiée. En effet un produit sur cinq, issu de la contrefaçon mondiale, lui est destinée14.

De cette activité frauduleuse, il résulte pour la France :

6 milliards d’euros de perte annuelle,
30 000 perte d’emplois par an,
une entreprise française sur deux est victime de la contrefaçon.

2.2. Les profits conséquents

Cette activité est très rémunératrice. Le commissaire Alain Defer, chef de la division nationale pour la répression de la contrefaçon à la police judiciaire, précise : “Les profits tirés sont semblables à ceux que l’on se fait avec le trafic de stupéfiants, de l’ordre de 10 euros récupérés pour 1 euro investi15.”

Pour Christophe Zimmerman, expert français auprès de la Commission européenne : “Les contrefacteurs prennent moins de risques que les trafiquants de stupéfiants. Un exemple : un kilo de compact disques piratés sur le territoire de l’Union européenne rapporte plus qu’un kilo d’herbe de cannabis16.”

Enfin, d’après M.-A. Jamet, l’équation est simple : “Un jeu électronique reproduit des milliers de fois coûte 0,20 euro la copie et est vendu 45 euros environ. Le cannabis acheté 1,52 euro le gramme sur le marché est vendu environ 12 euros17. On peut en déduire qu’il est huit fois plus rentable de se livrer au trafic de produits numériques qu’à celui de la drogue18.”

C’est pourquoi, en quelques années, la contrefaçon est devenue une véritable industrie de masse équipée d’usines ultramodernes, empruntant sans arrêt de nouveaux circuits pour échapper au contrôle de la justice. Les contrefacteurs ne sont plus seulement des artisans, ce sont aussi des professionnels à la tête de réseaux internationaux.

Profitant de la mondialisation des échanges, elle conquiert de nouveaux secteurs. Traditionnellement limitée au secteur du luxe (textile, maroquinerie), elle sévit à présent dans les produits de consommation courante. En fait, tous les secteurs de l’activité économique sont touchés (jouets, électroménager, médicaments, pièces détachées, automobile, aéronautique).

 

3. LES PRÉJUDICES SUBIS

3.1. Le préjudice financier

Les techniques de contrefaçon bénéficient des progrès technologiques et peuvent ainsi prétendre imiter l’inimitable. La contrefaçon sévit non seulement dans le secteur de l’industrie mais aussi dans les domaines artistique, financier et de service. Qu’en est-il, par exemple, de l’informatique, des œuvres d’art et de la fausse monnaie ?

L’informatique

43 % c’est le taux de piratage des logiciels dans les entreprises en France.

“On peut estimer le coût de la fraude informatique dans le monde en se basant les données du CLUSIF, (Club de la sécurité informatique français), de SPA, (Software Publishers Association), et de BSA, (Business Software Alliance).
Les copies pirates des “grands logiciels” et des systèmes d’exploitation, Windows, Adobe, Microsoft Office, Word, Excel ont entraîné pour les éditeurs un manque à gagner de : 2,8 milliards de dollars en 1988 et de 4,9 en 1993.
Selon des estimations, toujours un peu imprécises, mais fiables dans leurs ordres de grandeur, une réduction du piratage informatique de 10 % permettrait déjà de récupérer : 6 milliards d’euros
et 40 000 emplois pour l’ensemble de l’Europe19.”

Les œuvres d’art

La contrefaçon des œuvres d’art existe depuis toujours en France. Rodin, de son vivant déjà, dut se défendre des contrefacteurs et l’on ne connaît que trop les innombrables Corot contrefaits ou, plus près de nous, les lithographies présignées de S. Dali.

Mais jusque dans les années 1980, ces contrefaçons étaient de production artisanale, réalisées une à une par des faussaires talentueux et rusés, comme Fernand Léger et quelques œuvres impressionnistes et celles du début du XXème, ou Icilio Joni qui, pendant la première moitié du XXème siècle, écoula sa production de faux primitifs italiens dans toute l’Europe.
Quant aux faux Veermer, réalisés au milieu du XXème par Hans Van Meegeren, ils étaient d’une grande qualité et trompèrent quelque temps les experts. Dorénavant, ils n’abusent plus les spécialistes du peintre hollandais.

Depuis les années 1980, l’État français s’est donné plus de pouvoir dans la lutte contre la contrefaçon des œuvres d’art et notamment des bronzes originaux avec le décret de 1981 concernant les droits d’auteur et de reproduction.
Il en résulte que des actions judiciaires menées sur le sol français ont stoppé cette hémorragie qui concernait les œuvres de tous nos grands sculpteurs.

Malgré tout, aujourd’hui, des contrefaçons réalisées en Asie, dans les pays de l’Europe de l’Est et sur le continent américain sont vendues sur internet. Des sites aux enchères permettent d’écouler des pièces de médiocre qualité, d’autres proposent sur catalogue des bronzes produits à la commande. On peut ainsi acquérir des sculptures de Rodin, Giacometti, Botero et tant d’autres, avec une patine choisie sur nuanciers virtuels ! Ces pièces sont échangées pour des montants parfois dix fois inférieurs à celui d’une œuvre originale.

Les œuvres dont les droits d’auteurs sont tombés dans le domaine public se retrouvent importées en bonne et due forme dans les devantures des boutiques d’antiquités ou de magasins généralistes de cadeaux. La mention reproduction qui devrait être gravée sur la terrasse n’y figure jamais.

Ces productions qui dénaturent notre patrimoine artistique sont très rarement saisies isolément, faute de volonté du ministère de la Culture d’engager des procédures comme la loi l’y autorise.

Le service juridique du ministère concerné se retranche derrière l’absence de moyens pour entamer des procédures volontaires qui seraient extrêmement nombreuses, donc coûteuses, et renvoie au ministère de l’Industrie et du Commerce. Mais ce ministère ne peut se constituer, dans l’intérêt général, que dans la contrefaçon de marques.

Actuellement Barye, Mêne, Frémiet et tous ceux décédés depuis plus de 70 ans (durée du droit de reproduction en matière artistique selon le Code de la propriété intellectuelle) peuvent être impunément plagiés, contrefaits, voire dénaturés par des représentations difformes.
Cette situation est d’autant plus grave que les contrefaçons ne transitent pas systématiquement par la France, ce qui rend leurs saisies plus difficiles.

Il est urgent de stopper ce phénomène si l’on désire que la cote de notre patrimoine artistique ne s’effondre pas. Il s’agit d’une question de volonté, de moyens humains, financiers et législatifs.

La fausse monnaie

“La Banque centrale européenne a rendu publics les chiffres des contrefaçons récupérées depuis le 1er janvier 2002.

Pendant le 1er semestre : 21 965 retirés
Pendant le 2e semestre 2002 : 145 153 faux billets ont été retirés,

Ces chiffres traduisent une augmentation de 660 %.

84 % des billets saisis sont des coupures de 50 €
8 % des billets de 20 €.

Pendant cette première année, Europol annonce que 500 contrefacteurs ou distributeurs de contrefaçons ont été appréhendés. Cependant, on doit noter que la qualité des faux billets s’améliore et que très récemment des Lituaniens ont été arrêtés à Paris avec des faux 100 € de très bonne qualité20.”

3.2. Le préjudice pour la santé publique

De frauduleuse, la contrefaçon recouvre un autre aspect autrement inquiétant, elle menace la sécurité du consommateur.

3.2.1. La sécurité du consommateur

Qu’en est-il, par exemple, des secteurs de l’automobile, des appareils domestiques et des jouets ?

L’automobile

Il s’agit essentiellement de pièces détachées : capots, phares, freins, filtres à huile, pare-chocs. Fabriquées en Asie, dans les pays de l’Est ou dans les pays du bassin méditerranéen, ces pièces transitent par le Benelux pour pénétrer ensuite les différents marchés d’Europe. Concernant les seules pièces de carrosserie, le préjudice financier s’évalue pour Peugeot à “60 millions d’euros, pour Renault de 90 à 130 millions d’euros21“.

Ces pièces contrefaites ne bénéficient pas des tests effectués par les constructeurs qui garantissent leur solidité, leur fiabilité. Ainsi des plaquettes de freins contrefaites ont provoqué de nombreux accidents, la voiture devenant incontrôlable.

La difficulté pour le consommateur est de repérer la contrefaçon. À l’achat, il ne dispose généralement pas de connaissances techniques suffisantes pour démasquer la copie.

Les appareils domestiques

“56 % des entreprises fabriquant des appareils domestiques sont copiées22.” Les contrefacteurs essaient de respecter le plus fidèlement possible le design de l’appareil de marque, en revanche, ils vont économiser sur tous les éléments de sa fabrication. Bien entendu, les normes de sécurité ne sont pas respectées, l’isolation électrique peut être douteuse et provoquer une électrocution. Les fers à repasser dépourvus de thermostat de sécurité peuvent surchauffer et prendre feu, etc.

Les jouets

“Une copie de la poupée Barbie est fabriquée toutes les trois secondes en Asie23“. Tous les types de jouets sont contrefaits et ces copies illicites représentent 12 % du marché mondial24. Les normes d’âge n’étant pas respectées, des composants peuvent être avalés par de jeunes enfants.
En France, le secteur du jouet est très réglementé.

3.2.2. La santé du consommateur

Mais cette activité concerne aussi des biens de première consommation et menace alors la santé du consommateur. Voici ce que précise le dépliant du CNAC :

“Ce fléau peut vous coûter la vie”

Dans les années 1990 au Nigéria, 200 enfants sont décédés après avoir absorbé un sirop contre la toux contrefait contenant un solvant industriel.
En 1994, en Russie, 53 000 morts après avoir bu de l’alcool frelaté.”

Les vins et spiritueux

Le domaine des alcools est riche en contrefaçons. “Pour le cognac, le préjudice financier est estimé à 70 millions d’euros par an uniquement en Asie. Selon la Direction générale des douanes, 65 270 litres d’alcool éthylique et de boissons ont été saisis en 2002. Ce sont le plus souvent des boissons alcoolisées (brandy, gin,whisky,vodka). La frontière pyrénéenne concentre 58 % des quantités saisies et 83 % des constatations (Andorre, Espagne, France et Portugal)25.”

Les médicaments

La contrefaçon des médicaments représente près de 7 % du marché mondial de l’industrie pharmaceutique26.

“En Afrique, on trouve plus de 50 % des faux médicaments en circulation dans le monde.27
Des médicaments sont fabriqués et mis en vente, proposés sur internet, pouvant être soit d’une efficacité très faible à cause d’un sous-dosage soit d’une inefficacité totale par absence d’agent actif… (cf. Entretien avec le capitaine Marten Perolin à la fin de cette chronique).

“Plus grave est la proportion de médicaments antisida dont 50 à 60 % sont d’une inefficacité totale, et 20 % largement sous-dosés en composant actif (…) En matière d’antibiotiques, un médicament sous-dosé entraîne une résistance de l’organisme à cet antibiotique et neutralise tout effet attendu28.” Les pays les plus touchés sont les pays du Tiers Monde.

En deuxième partie, nous étudierons la complexité de cette pratique, les sanctions, les actions juridiques possibles et les acteurs de la lutte anticontrefaçon.

 

NOTES

1. La Contrefaçon, rapport élaboré par le musée de la contrefaçon de l’Union des fabricants, p. 2.
2. Progexpi est une marque déposée à l’INPI qui désigne un site internet animé par C.-F. PASCAUD, J.-L. PIOTRAUT et R. PASCAUD. Ils sont respectivement docteur ingénieur de l’université de Paris IV et mandataire agréé auprès de l’Office européen des brevets ; maître de conférences à la faculté de droit, économie et administration de l’université de Metz ; consultant internet.
3. Marc-Antoine JAMET, président de l’Union des fabricants, “Contrefaçon et Criminalité organisée”. Rapport réalisé en 2003, copyright Union des fabricants, p. 14 citant le rapport de Nicole Fontaine : La propriété industrielle : outil de valorisation des entreprises”, 28 novembre 2002.
4. Cette conférence réunissait 80 administrations douanières d’Asie et d’Europe.
5. Cf. site internet de France television infos, 20 janvier 2004, p. 2.
6. Agence France Presse économique, 27 janvier 2003 citée par Marc-Antoine JAMET, op. cit., p. 4.
7. Ibid.
8. Informations communiquées dans le dépliant élaboré lors de la campagne gouvernementale par le CNAC de janvier dernier.
9. Marc-Antoine JAMET, op. cit., p. 4.
10. Id., p. 5, citant lui-même “le Livre vert sur la contrefaçon et la piraterie dans le marché intérieur”, Commission des communautés européennes, 1998, et un article du Figaro “Une coalition internationale contre les faussaires”, 29 janvier 2003.
11. Marc-Antoine JAMET, op. cit., p. 7.
12. Id. citant le rapport d’activités des autorités douanières, 2001.
13. Id. citant les chiffres communiqués par la Commission européenne, TAXUD.
14. Informations communiquées par le dépliant élaboré lors de la campagne gouvernementale par le CNAC de janvier dernier.
15. Explosion de la contrefaçon, Affiches parisiennes et départementales, 4/5 juillet 2002.
16. Reportage diffusé sur France 2, journal de 13 heures, 26 juin 2002, et sur TV, journal mondial des journaux, 27 juin 2002.
17. La contrefaçon du CD plus rentable que le trafic de hasch, Marianne, 10/16 décembre 2001.
18. Marc-Antoine JAMET, op. cit., p. 12.
19. Cf. site Progexpi : “Fraude informatique – Hackers, crakers, spams et autres pirates”.
20. Cf. site internet : ctms.fr/FR/Informations/contrefac.euro.
21. La Contrefaçon, op. cit. p. 5.
22. Id., p. 6.
23. Id., p. 13
24. Cf. dépliant du CNAC.
25. La Contrefaçon, op. cit., p. 14.
26. Cf. dépliant du CNAC.
27. La Contrefaçon, op. cit., p. 9.
28. Source Progexpi.

 

BIBLIOGRAPHIE

Contrefaçons des œuvres d’art. Conclusions incontournables.
Tableaux de chasse ou la vie extraordinaire, Fernand Legros et Roger Peyrefitte, éd. Albin Michel.
Vrai ou faux par l’Union française des experts éd. Faton – Dijon.
Marchands d’art et faiseurs d’or, François Duret Robert, éd. Belfond/ Connaissance des Arts.
Descente aux Enchères.
La Contrefaçon, B. PATRICK,Que sais-je, éd. PUF.
Protection et valorisation des marques de fabrique, de commerce ou de service, Y. SAINT GAL, éd. Delmas.
L’imitation servile des produits, Golaz, éd.Groz.
Experts et Faussaires : pour une sociologie de la perception, C.BESSY, éd. Metaillé.

 

Entretien avec le capitaine J.-C. Marten Perolin de la 10e DCPJ
BCRCIA 101/103, rue des Trois Fontanot – 92000 Nanterre
dont la compétence couvre tout le territoire français

 

1. Comment définissez-vous la contrefaçon ?

Ce terme s’applique aux produits de toute nature, il s’agit de la reproduction frauduleuse d’une œuvre littéraire ou artistique d’un produit manufacturé au préjudice de son auteur, de son inventeur. En matière industrielle, les produits ou les marques font l’objet d’un dépôt de marque à l’INPI. La contrefaçon est un terme générique, pour nous, c’est une atteinte au droit de propriété intellectuelle.

Elle réside donc principalement dans la reproduction d’un produit réalisé à moindre coût sans contrôle de qualité. Cette imitation peut être totale, on parle alors d’imitation servile : le produit est la réplique quasi exacte du produit original (sans ses qualités). Cette imitation peut être partielle : le produit évoque dans sa présentation, son nom, le produit original et si ces ressemblances peuvent créer une confusion, une tromperie pour le consommateur, cela est considéré comme une forme de contrefaçon.

 

2. Comment expliquez-vous le durcissement de ton de la campagne gouvernementale ?

Le consommateur n’est plus complice, il devient victime, il est mis en danger. Autrefois réservée aux produits de luxe, la contrefaçon, depuis quelques années, s’attaque aux produits industriels et de grande consommation.

Les grandes marques françaises de luxe dans l’habillement, les cosmétiques, la bijouterie, etc., ne sont pas touchées comme avant, même si les atteintes à leurs droits ont augmenté, les contrefaçons de produits de consommation courante sont les plus nombreuses. En chiffres, l’atteinte aux grandes marques de luxe ne représente plus que 15 à 20 % de faux.
En revanche, la contrefaçon des objets usuels comme des stylos Billes (copié à plus de centaines de millions d’exemplaires), des piles alcalines, des rasoirs jetables ou des batteries de téléphone mobile, a augmenté de plus de 200 % pendant ces cinq dernières années.

La contrefaçon actuelle s’est aussi attaquée à l’industrie dans le secteur des maintenances avec les pièces détachées dans l’automobile, dans l’informatique, l’aéronautique, etc., la présence de logiciels piratés en France dans les milieux professionnels, des copies illégales de disques, de films grâce notamment au réseau Internet.

 

3. Sur quels produits avez-vous enquêté ?

Plus grave encore, la contrefaçon de produits classés dans le paramédical comme les lentilles de contact, les crèmes dermatologiques et les contrefaçons de médicaments ont des répercussions immédiates sur la santé.

Par exemple, nous gérons un dossier de lentilles de contact contrefaites qui baignent dans un liquide non stérile, véritable bouillon de culture de germes, provoquant, au mieux, des allergies et les lentilles ne sont pas du tout correctrices… ;
Nous avons un dossier sur des crèmes dermatologiques qui contiennent des produits interdits !
Enfin la contrefaçon de médicaments peut avoir des répercussions mortelles comme le dossier d’une contrefaçon d’un vaccin antiméningite d’une marque française en Afrique, un antirejet de greffe humaine dans un pays de l’Est, des stéroides et des médicaments en France.
Il y a quelques mois, nous avons réalisé une affaire où nous avons trouvé un laboratoire de fabrication de produits cosmétiques et de médicaments particuliers sur le territoire national.

 

4. En moyenne, combien de temps dure une enquête ? Quels sont ses objectifs ?

Le service constitué d’O.P.J. (officier de police judiciaire) est saisi dans le domaine de la contrefaçon soit par les propriétaires de marques contrefaites, soit par le procureur de la République, soit par un juge d’instruction, ou d’initiative.

Notre enquête possède plusieurs aspects : démanteler les réseaux de commercialisation et de fabrication et déterminer les responsabilités de chacun (particulier, commerçant…). Pour évoluer dans l’enquête, nous travaillons en collaboration avec des experts pour l’examen des marchandises. Notre objectif, ensuite, est de démanteler la filière, il s’agit à chaque fois de mois entiers consacrés à une enquête. Nous sommes peu nombreux, seulement cinq personnes. Nous avons néanmoins formé quelques collègues dans l’ensemble des directions interrégionales de police judiciaire.

En outre, ce qui est relativement nouveau et qui rend la lutte anticontrefaçon encore plus difficile à mener, c’est que les contrefacteurs sont devenus de véritables industriels et qu’ils empruntent les mêmes réseaux que les produits authentiques. Toutefois les réseaux mafieux apparaissent de plus en plus dans les filières de contrefaçon qui empruntent parfois les mêmes chemins que les stupéfiants.

 

5. Travaillez-vous avec le Cnac ? le service des Douanes ?

Nous travaillons en collaboration avec le Cnac pour essayer d’informer au mieux les consommateurs ; à ce titre, nous avons participé à l’élaboration de la dernière campagne gouvernementale de janvier dernier.

Quant au service des Douanes, nos objectifs ne sont pas les mêmes. Nous sommes plutôt complémentaires. Ainsi, ils sont efficients pour le contrôle aux frontières, pour le flux des marchandises et s’occupent de saisir les produits et les taxer. Notre rôle consiste à nous intéresser plus aux hommes qu’aux marchandises, plus à la filière qu’à la retenue. Les centrales d’achat d’objet d’occasion, qui fleurissent sur Internet, sont une aubaine pour les contrefacteurs. On peut y trouver aussi bien des contrefaçons de bronzes de Botero, de Rodin, de Giacometti que des fausses œuvres picturales de tous les artistes tombés dans le domaine public ou des contrefaçons d’artistes contemporains. L’arrivée en France de ces œuvres n’éveille, eu égard à leur faible estimation, que l’inquiétude des services douaniers. Les dossiers ne sont transmis aux services de police compétents que dans le cas de grosses affaires. Le service des douanes ayant pour priorité le contrôle des recettes fiscalisées et non le démantèlement des réseaux.

 

6. Les acquis de la nouvelle loi de mars 2004 et la difficulté de déterminer l’intention coupable.

Les peines ont été alourdies :

de deux à trois ans d’emprisonnement pour les œuvres d’art ;
de trois à quatre ans d’emprisonnement pour les produits industriels ;
cinq ans en cas de délit commis en bande organisée. Cette notion est très importante, car elle montre que le législateur a suivi l’évolution de cette nouvelle forme de criminalité organisée.

Reprenons l’exemple des lentilles contrefaites en vente chez un opticien. Qui va-t-on incriminer : le consommateur ? l’opticien ? la centrale d’achat ? le fabricant ?

Dans ce cas précis, le consommateur et l’opticien sont victimes, le grossiste peut engager sa responsabilité pénale si l’intention coupable est avérée et le fabricant est bien sûr poursuivable.

Déterminer l’intention coupable est un autre aspect du casse-tête que représente la contrefaçon. On ne peut imaginer qu’un grossiste organise sciemment la vente de contrefaçons d’un produit qu’il sait dangereux, sa crédibilité commerciale et la survie de son entreprise sont des enjeux non négligeables.

 

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